Antonin Scalla, juge de la Cour suprême américaine, utilisa, sous l’administration Bush, la série télévisée 24 pour justifier l’usage de la torture. Dans cette série, le héros, soumis à un compte à rebours infernal doit impérativement soutirer des informations à des terroristes pour éviter une attaque nucléaire. C’est dans ses conditions qu’il a recours à des « interrogatoires musclés ». Jack Bauer a sauvé Los Angeles […] Allez vous condamner Jack Bauer ? Dire que le droit pénal est contre lui ? Est-ce qu’un jury va condamner Jack Bauer ? Je ne le penses pas*. On touche ici à la face sombre du storytelling. En focalisant son argumentation sur des actions réalisées dans un cadre et une situation précise, et qui plus est une situation fictive et scénarisée, le juge ouvre la porte à la justification de la torture et donc remet en cause le droit international.
Je terminerais en citant un article du New York Times dans lequel Ron Suskind retranscrit son échange avec un membre de l’administration Bush au cours de l’été 2002. Cette personne se plaint d’un article précédemment écrit par Suskind au sujet de Karen Hughes, qui était alors directrice de la communication de Georges Bush Jr :
« The aide said that guys like me were ''in what we call the reality-based community,'' which he defined as people who ''believe that solutions emerge from your judicious study of discernible reality.'' I nodded and murmured something about enlightenment principles and empiricism. He cut me off. ''That's not the way the world really works anymore,'' he continued. ''We're an empire now, and when we act, we create our own reality. And while you're studying that reality -- judiciously, as you will -- we'll act again, creating other new realities, which you can study too, and that's how things will sort out. We're history's actors . . . and you, all of you, will be left to just study what we do.''
Si ce sujet vous intéresse et que vous souhaitez l’approfondir, je vous recommande le très bon livre de Christian Salmon : « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits ».
Article de Cédric
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*Cité par Colin Freeze dans « What would Jack Bauer do ? Canadian jurist prompts international justice panel to debate TV drama 24’s use of torture ».
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